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PARTIE 2 L'arrivée en Charente Après quelques jours de marche très pénibles, de jour comme de nuit, nous sommes arrivés à Gondrexange, les vaches devaient être abandonnées dans un grand parc. nous avons continué notre marche de nuit jusqu'à Héming. Après des heures et des heures d'attente, un train à bestiaux arriva et nous dûmes tous aller dedans. Je ne raconterai pas ce voyage très pénible mais plutôt notre arrivée et notre séjour en Charente. Après une quinzaine de jours de voyage, le train s'arrêta dans une gare et sur un panneau, nous avons pu lire : Chasseneuil sur Bonnieure. Dans ma tête, je me demandais où pouvait donc se trouver cette ville, dans quelle région? Je pensais cependant que nous étions dans le Sud-ouest. Il faut dire que personne d'entre nous n'avait beaucoup voyagé et dans notre village, nous allions à pied ou à vélo rentre visite à la famille. Tout le monde dut descendre du train. Les femmes, les enfants et les personnes âgées devaient prendre les bus et les autres devaient suivre. Avec mon vieux vélo, je suivais le bus. Bien sûr, nous observions tout autour de nous. On voyait des champs de vigne, des petits arbres avec des pêches dessus qui n'étaient pas encore mûres. Nous en mangeâmes ce que nous avons bien regretté la nuit venue. Chez nous il n'y avait ni vigne ni pêche, on croyait que c'était des pommes. A Chasseneuil quelqu'un nous dit que nous devions aller à Vitrac Saint Vincent. Nous continuâmes à suivre le bus jusqu'au panneau de ce village de Charente. C'était presque le même village que Siersthal, au fond d'une vallée entourée de collines, mais elles étaient moins hautes que les nôtres. Nous descendîmes la côte. Au centre du village il y avait l'église. Nous nous rassemblâmes tous sur la place de l’église. Les habitants de Holbach étaient conduits plus loin dans deux petits lieux, à Mazerolles et à l'Arbre. Nous étions arrivés fatigués et sales, pire que des bohémiens. Ce qui était le pire pour nos personnes âgées telle ma grand mère c'était qu'ils ne comprenaient rien et ne pouvaient parler aucun mot de français à part « Oui et Non ». Dans leur jeunesse l'Alsace et la Lorraine étaient allemandes et ils n'étaient jamais allés dans une école française. Il y avait sur cette place de l'église qui était aussi la place du marché mensuel, une grande tente en forme de salle; Nous étions tous à l'intérieur et nous couchions par terre sur de la paille. Le premier jour la seule chose que je cherchais était de l’eau, une fontaine, une rivière pour me laver. Avec quelques copines de mon âge nous avons découvert ce ruisseau et ce pont avec des maisons juste à côté. Nous étions tellement contentes qu'on se déshabillait complètement et nous lavions de haut en bas. On se cachait un peu une derrière l'autre. Durant toutes les années qui suivirent, j'ai rêvé de ce ruisseau et de ce pont et c'est trente ans plus tard que j'ai pu enfin y retourner. Le lendemain nous partîmes à la découverte de ce village et nous demandâmes une chambre pour nous loger puisqu'on nous avait précisé que nous allions rester là. Mais nous étions sept personnes et nulle part on ne voulait nous prendre. Finalement, nous avons compris qu'il fallait nous séparer. Entre temps, les autres personnes avaient déjà trouvé une chambre, ou un hangar, ou même une bergerie. Finalement le maire nous dit que le lendemain, un monsieur viendrait chercher du monde. Comme prévu, le jour suivant, nous vîmes arriver ce monsieur sur un char à bancs attelé avec un cheval. Il prit dix personnes dont ma grand-mère, la Fischer Berthe, sa sœur que j'appelais Bissel, sa fille Berthe, dont le mari était militaire à la caserne de Toul, son fils Joseph, qui avait a peu près quatre ans et moi. Nous montâmes donc tous avec son aide, sur cette charrette et "hue-da-da ! " le cheval s'en alla. Je demandai au monsieur où il nous emmenait. Il me répondit avec un fort accent patoisant : "Oh ! Pas loin, au Breuil." Après un certain temps, ma grand-mère me dit : "Demande voir au monsieur si c'est encore loin" car elle sentait qu'on s'éloignait de plus en plus des autres gens, qui étaient restés au village. Il me répondit à chaque fois : "Non, non ce n'est plus loin, juste au Breuil". Finalement, on aperçut les toits de quelques maisons. Les autres dirent : "C'est un village" mais pour moi c'était un petit hameau. Le monsieur fit "hue !" et le cheval s'arrêta devant une maison basse, assez longue : une ferme, avec autour des grandes granges et des étables. Devant la maison, une place assez grande, et au milieu une chose bizarre, ronde avec une chaîne enroulée : un puits. |